Bespoke Tailoring

La mode masculine, évolue très lentement

La mode masculine, évolue très lentement 4

Le mois dernier, j’ai participé à la conférence de la chambre syndicale des maîtres tailleurs de France. Après avoir conversé pendant un long moment avec des tailleurs et des directeurs de maisons de Made-to-Measure et du Bespoke. J’ai stoïquement écouté leurs critiques, sur les épaules napolitaines et le manque de structure des costumes napolitains, de leurs points de vue une fabrication avec très peu de qualité. Bien sûr, je me suis senti meurtri dans l’âme. Défenseur des grandes maisons traditionnelles du bespoke napolitain, londonien et français, ils m’ont convaincu qu’ils ne voulaient plus rien apprendre ni découvrir. La France a un héritage grande mesure et sur-mesure fantastique, hérité de Joseph Camps, Ciffoneli, Smalto, des « géniaux maîtres-tailleurs ».

Pourtant de nos jours, ils sont de moins en moins nombreux, les tailleurs qui peuvent être considéré comme « maître tailleur ». Il faut savoir patronner et pas seulement un costume, mais aussi, un manteau, une queue-de-pie, une jaquette… Et je ne doute pas d’affirmer, en plus d’avoir cette connaissance, un maître tailleur doit savoir, couper et coudre sans l’aide d’un autre professionnel.

Dans le monde du Bespoke Tailoring ce n’est pas toujours facile de trouver des professionnels, qui sont prêt a changer leurs façon de travailler et de voir les choses. Je n’ai pas manqué de courage ni mâché mes mots après avoir affirmé que le Bespoke Tailoring de notre pays nous confectionne un art onéreux et pas assez diversifié. Et le courant actuel du style napolitain n’est pas assez pris en compte, la technique napolitaine a extrêmement évolué.

La mode masculine, évolue très lentement

Seul un artiste authentique de l’aiguille et de la coupe… 
Peu donner libre cours à vos envies de faire un costume.
El Commendatore, coutumier du sur-mesure, des toiles tailleur de 350 grammes et des tissus triples retors Anglais. Je lui propose de lui faire faire un costume de moins de un kilo dans le grand art napolitain.

Bien qu’El Commendatore n’est pas de préférence en dehors de la couleur, sur le type de tissu avec lequel nous allions confectionner son costume. Moi bien au contraire, oui ! Je cherchais un tissu qui lui donne quelque chose de spécial. Nous avons fait de l’un de nos désirs une réalité et avons choisi un carreau fenêtre bleu moyen avec une double rayure bleu ciel qui le rendait franchement spécial.

L’élection de ce carreau fenêtre pour deux raisons : Ce type de dessin est d’une grande beauté et ne devrait jamais disparaître de l’armoire d’un gentleman et il est particulièrement lumineux sous un soleil d’été. Puis, tout le monde sait que le fait de façonner un vêtement avec un dessin oblige le tailleur à prendre beaucoup plus de précautions que sur un tissu uni. Le fait de devoir marier les carreaux, les raccorder, le bas de veste finie 0,5 de la rayure, les revers, la couture milieu dos et le pantalon… pour éviter que le dessin ne se casse. Cela complique en grande partie le travail de coupe. Et si cela était déjà un défi plus qu’intéressant, nous décidons de démontrer que nous savons aussi faire des costumes très légers dans le style napolitain le plus pur. Mais le plus important, c’est qu’il pèse moins d’un kilo une fois terminé.

Le fait de prendre la décision que le vêtement pèsera moins d’un kilo, n’a pas été un obstacle dans le choix du tissu, bien que le Commendatore n’a aucune objection pour les tissus de 180 gr. J’ai sciemment choisi un tissu qui compliquerait l’objectif pour obtenir le costume pour moins d’un kilogramme. Concrètement, nous avons choisi un drap de laine du drapier Gorina, un super 150′s de la collection Summertime de 220 grammes de poids.

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Les amateurs du MTM sont de plus en plus nombreux et souvent leur premier choix en draperie, se limitent uniquement au choix de la couleur. Le client peu à peu commence à se familiariser avec ce monde et se demande pourquoi il devrait choisir un tissu super 150’s, au lieu d’un super 100′s quel grammage et quel duitage. Dans une phase déjà plus avancée, ce même client donnera la même importance à la couleur comme au dessin du tissu. Sa texture deviendra un prochain challenge et profitera pour glisser ses doigts dans des tissus de vigogne, 100% cachemire… La composition du tissu est très importante pour son aspect et le résultat final du costume.

Bien que je sois de l’opinion, qu’un gentleman doit disposer de costumes en deux, trois faux boutons, trois-pièces et croisés. J’ai bien trop souvent affirmé que l’élégance et le style d’un costume croisé sont difficiles à atteindre par ses homologues droits. Seuls les élégants peuvent porter des costumes croisés, c’est une question d’attitude et de posture.

À la différence de ce qu’il arrive dans la majorité des occasions nous commençons par créer l’intérieur du costume, l’intérieur que nous laissons réduit à son expression minimale. Nous ne voulions aucune doublure, et optons pour une simple triplure de 120 grammes avec une parmenture piano pour cacher tout l’intérieur de l’entoilage de la veste. Mais finalement nous opterons pour une légère doublure en fichu de soie, pour protéger la partie haute du dos et fermer la parmenture.

La différence se voit dans les petits détails entre le moyen de gamme et le luxe. Une doublure en fichu de soie, on pouvait apprécier l’attention portée au détail. Cette partie bien qu’elle soit cachée a été cousue à la main avec tel soin que c’est dommage que ses amis élégants ne puissent pas l’apprécier. Les coins des revers de col ainsi que les finitions de la veste sont faits à la main. Toutes les coutures sont bordées avec une lisière dans le même fichu de soie. Tout le reste sans aucune doublure. Évidemment ! Exception faite de la doublure des manches, en cupro dans une rayure bleue. Sans aucun padding et une épaule « spalla camicia », pour poursuivre la tendance napolitaine qu’il exprimera par son manque de sérieux si caractéristique. Tout cela sans cesser d’être un costume élégant.

Le fait de ne pas posséder de padding complique en grande partie « le pot-au-feu » de l’épaule-emmanchure et sans aucun plastron, juste une légère triplure, pour réaliser ce travail. Cela démontre que le fait de coudre une veste dans le style pur et dur napolitain, ce n’est pas chose aisée pour ses différentes raisons, maintes fois répétée par les « maîtres tailleurs » de notre temps et non pas ses héritiers qui ne savent pas cuisiner.

Il faut prendre en compte que la majorité des tailleurs napolitains utilisent des laines très fines et légères. Ils utilisent uniquement une triplure en laine ou en coton et une légère toile tailleur au niveau du plastron, essentiel pour le galbe de la poitrine, mais aussi pour le roulé des revers de col. Il faut disposer d’une très bonne équipe de tailleurs pour arriver à un résultat exceptionnel. Le fait de façonner une veste sans padding oblige le tailleur, comme dans notre cas, à devoir découdre et recoudre la veste, à plusieurs occasions jusqu’à quelle soit idyllique.

Si certains blogueurs on posté a multiples occasions, « la coupe idéale » comme Dior, Smalto… elle n’existe pas. Elle dépend de la physionomie, du style de chaque client et sûrement pas de son âge et encore moins du marketing de marque. Un gentleman qui a des épaules arrondies et très tombantes appréciera cette sensation de liberté et de commodité après avoir porté une épaule napolitaine, sans aucun padding. Et si en plus on fait abstraction de plastron, entoilage et votre veste ne fait aucun pli. Votre plaisir ne sera que plus grand. Et si vous vous lâchez dans le « spalla camicia« , vous entrez dans l’univers du gentleman moderne et dynamique.

Malheureusement, ce type de coupe peut avoir des conséquences néfastes, puisque le fait de disposer uniquement du tissu et de la triplure pour obtenir un galbe similaire aux lignes des tissus de grammage supérieur avec ses entoilages et triplures correspondantes. C’est pour cette raison qu’il est important que le client veuille disposer d’un costume avec ses caractéristiques. C’est un privilège ! Il faut trouver le tailleur, l’artiste ouvert d’esprits et aventureux. Puisque la plupart ne seront pas disposés à modifier ni leur façon de travailler ni à passer presque le double du temps de travail en relation à un costume conventionnel.

Souvent, les vestes sont surpiquées avec la AMF et la Strobel. La commodité de nos jours et le fait que les machines ont évolué et piquent de mieux en mieux et il est moins fréquent d’observer des revers piqués à la main, même quand il s’agit d’un vêtement sur-mesure, façonné de forme artisanale. La main et l’aiguille sont obligatoires, piquer à la main signifie que la forme finale du coin du revers est beaucoup plus esthétique que de le faire à la machine. Nous devons aussi savoir que la texture d’un revers piqué à main est différente de celui piquet a la machine en ce qui concerne le toucher. Le revers surpiqué à la machine reste plus plat et même plus propre, le résultat de la surpiqûre à la main est quelque chose de plus rugueux.

Surpiquer une veste à la machine AMF prend environ dix minutes et à la main, il faut multiplie ce temps par quatre, voilà une des raisons occultes pour que beaucoup de tailleurs de première ligne soient tentés par la surpiqûre AMF. Bien que le résultat des surpiqûres à la main puisse paraître moins parfait à priori, la main du tailleur avisé sera parfaite et lui donnera sa touche personnelle.
Les boutonnières que El Commendatore a choisies pour son costume sont différentes de ce qu’il est habituel de coudre dans la grande majorité de tailleurs français, ou italiens. C’est une boutonnière que l’on peut apprécier dans les créations très récentes de l’atelier de chez Anderson and Sheppard.

Pour poursuivre les « must » du style napolitain, nous choisissons pour la veste deux poches plaquées en forme de goutte et une « barchetta« . Les poches plaquées ornent les vestes de pratiquement tous les tailleurs napolitains. C’est l’un des trucs que les tailleurs napolitains utilisent pour faire abstraction de toute doublure, au lieu des classiques qui ont besoin d’une doublure intérieure.

Bien que la décision unanime le costume serait un faux trois boutons, le plus difficile était la quantité de boutons avec lesquels on allait orner les manches. Mon opinion consiste, les costumes droits, on compte entre trois et quatre boutons dans les manches et les croisés plus esthétiques doivent disposer de quatre ou cinq. Comme nous aimons porter « loose« , nous optons pour quatre boutons.

Ceux qui me connaissent savent de ma prédilection pour cette manie absurde de porter les manches « loose », et je pense sincèrement que tout cela n’a pas de sens. Cependant, nous ne voulons pas tomber dans la vulgarité, et voilà que nous disons « toutes » les boutonnières sont brodées à la main, pour pouvoir retrousser les manches. Aujourd’hui, peu nombreux sont les Français, avec ce style si caractéristique de porter ses manches « loose ». C’est bel et bien un style espagnol de la fin des années 70’s.

Les boutons choisis sont en corozo naturel d’Amazonie en bleu marine pour donner du sérieux à ce tissu avec tant de personnalité. Bien que nous ayons pu choisir entre la corne, la nacre, l’ivoire, l’os et le corozo. Nous avons opté pour des manches étroites en gardant les têtes de manches originales avec des petites emmanchures. Malgré cette étroitesse, les quatorze centimètres d’ouverture des emmanchures donnaient à son propriétaire une liberté similaire de mouvements comme si El Commendatore avait choisi des manches raglan.

Le fait de n’avoir aucun padding, aucune toile, nous décide à mettre de côté le « spalla camicia » et opter pour une épaule avec un léger ‘’rollino’’ pour donner forme et mouvement à cette épaule totalement dépourvue. L’une des choses les plus difficiles à sculpter fut l’épaule de la veste et nous a obligés à démonter les manches plusieurs fois. Le fait de ne pas avoir d’entoilage ni de padding pour nous aider à galber les épaules. Le résultat était presque impossible à obtenir, cet effet très napolitain, l’extrême art du bespoke tailoring.

Aujourd’hui, l’importance du costume sur mesure retombe principalement sur la veste et souvent laissant le pantalon relègue au second plan, chose qui arrive même chez les grands tailleurs. Bien que le façonnage d’une veste soit toujours plus difficile et requiert plus d’effort et de compétences. Rien n’a de valeur dans « la veste parfaite » si son pantalon n’est pas à la hauteur.

Après avoir choisi, un tissu si léger et flexible, sans aucune doublure, cela compliquait en grande partie, le fait d’obtenir une tombée parfaite. El Commendatore comprenait cela depuis le premier moment. Mais dans ce projet, c’est aussi de faire assumer l’une des caractéristiques de la coupe napolitaine face à la Londonienne, qui consiste qu’on ne cherche pas la perfection, mais le style, un petit « quelque chose » que nous ne croisons pas dans nos rues. Ce costume imparfait, mais plein de style, impossible à décrire avec des mots.

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Si jusqu’à présent le costume avait obéi aux patrons extrêmes du style napolitain, dans le cas du pantalon nous décidons à l’unanimité de faire abstraction de la ceinture américaine, pour l’habiller avec des bretelles dans un style très londonien. Les bretelles ont des avantages innombrables. Nous n’avons jamais été partisans d’utiliser un pantalon avec ceinture et bretelles puisque la coupe de l’un comme de l’autre diffère, même les mensurations varient.

La taille du pantalon avec une ceinture américaine « passant » est symétrique devant et derrière alors que celui à bretelles est caractérisée par une taille basse devant et une taille haute derrière. Basse, mais restera sensiblement au niveau du nombril. La force exercée par les bretelles sur un pantalon de ceinture américaine au moment de vous asseoir, risque de vous faire éprouver des sensations des plus désagréables. Une braguette avec des boutons de corozo et des boutonnières brodées main. Ce sont ces détails qui ne se voient pas, mais qui mettent en évidence le savoir-faire de notre tailleur.

Le pantalon avec une coupe cigarette, un bas à dix-huit centimètres avec un bas revers de cinq centimètres de hauteur, un peu supérieur à ce que l’on a pour habitude de voir dans notre pays et obéissant ainsi aux règles de Luca Rubinacci. Les gentlemans britanniques les plus puristes ne feront jamais de bas revers dans un pantalon de costume de ville. Même si Édouard VII a pu « inventer » le revers de pantalon pour un contexte campagnard et humide. Depuis ladite invention, reste réservée à un usage casual et campagnard. Sur ce point comme sur d’autres, la France n’est pas l’Angleterre. Enfin, nous le savions déjà.
Bien qu’aujourd’hui, la totalité des tailleurs finissent les faux bas revers avec une demi-talonnette inutile, nous ajoutons une boutonnière et un bouton pour pouvoir éliminer de forme facile la saleté qui s’accumule à l’intérieur de l’ourlet.

Si tu te demandes si nous avons accompli l’objectif initial d’obtenir un costume terminé pour poids inférieur à un kilo. Oui ! Et il reste encore 15 grammes pour une pochette.

Quelle sensation de vêtir un costume façonné avec ce type de tissu, complètement déstructuré, sans aucun entoilage ni padding. La première sensation surgit en forme d’étonnement quand nous prenons la veste en main. Nous avons entre nos mains une œuvre d’art qui doit être traitée avec amour et soin. Au moment de la porter, là nous vérifions qu’il s’agit effectivement d’un costume hors normes. La sensation qui nous assaille, c’est l’impression!!! Qu’on se balade dans les rues parisiennes en pyjama de soie !

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